L’Italie et le déni européiste de démocratie :  Monnet doit s’effacer face à de Gaulle !

L’Italie et le déni européiste de démocratie : Monnet doit s’effacer face à de Gaulle !

La formation d’une nouvelle coalition italienne, composée de la Ligue du Nord et du Mouvement 5 étoiles, est plutôt une bonne nouvelle pour les peuples européens qui souhaitent une réforme en  profondeur du projet européen.  Un nombre croissant d’Européens sont en faveur de la réduction de l’immigration clandestine et l’abandon des dogmes éculés de l’euro qui profitent essentiellement aux pays du Nord, et l’Allemagne en particulier (mais tout de même avec l’appauvrissement des classes moyennes).

Le message que les Italiens ont envoyé à l’Europe était clair.

Les  peuples européens dans leur majorité sont opposés à

1) l’ immigration de masse, qui accélère l’islamisation, détruit la cohésion nationale, et renforce le conflit de civilisation en raison d’un déséquilibre croissant ethno-culturel au détriment des populations européennes autochtones, et de l’installation de populations inassimilables et manipulées par des puissances hostiles (Salafisme des pays du Golfe, Frères musulmans) ou des idéologues post-nationaux (Open society de Soros qui fait la promotion du communautarisme).

2) l’ultra-libéralisme qui leur est imposé  selon une idéologie euro-globaliste et multiculturaliste qui trouve son origine dans la gauche  américaine et chez les libéraux anglo-saxons,

3) une politique étrangère alignée sur les États-Unis et ses alliés ultra-atlantistes, qui font de la Russie, pilier incontournable et rameau solide de la civilisation européenne, un ennemi artificiel pour fragmenter le continent eurasien et  ralentir la multipolarité.

Les idées de la nouvelle coalition italienne sont en quelque sorte comparable à l’émergence d’un « Gaullisme italien » : promotion de la  souveraineté de la nation, l’importance des frontières, le pilotage resserré de l’économie, et donc la maîtrise du destin de l’Italie et non pas l’abandon à des normes hors sol  selon une idéologie décidée ailleurs.

La crise de l’euro, est en réalité largement le résultat de la rivalité franco-allemande. L’Italie a adopté l’euro, en dépit de la méfiance de l’Allemagne, et avec le soutien de la France, qui avait exigé la monnaie unique en échange de l’unification allemande, mais aussi son extension aux pays du Sud pour contrebalancer l’Allemagne.

Pourtant les plans français de rééquilibrage se sont révélés illusoires, comme  aujourd’hui les plans  d’Emmanuel Macron.  Le président français a  rapproché la France du modèle allemand ordo-libéral qui est dominant dans les institutions européennes, mais qui  n’est pas adapté à la France en raison de son histoire et sa géographie[i], en espérant en retour un approfondissement de la zone euro. L’objectif géopolitique implicite de la France est de contrebalancer l’Allemagne unifiée, projet qui date depuis Maastricht pour l’euro, mais depuis l’unification de 1871 sur les temps longs.

L’Allemagne refuse  logiquement une avant-garde centrée sur la zone euro,  car l’Allemagne a réussi à se positionner au milieu de l’UE à 28 (27 après le Brexit) pour sa sécurité après l’élargissement de l’UE. L’Allemagne, au centre de gravité géopolitique de l’UE, refuse les plans utopistes d’Emmanuel Macron, pour empêcher une Europe à plusieurs vitesses au profit de la France afin de préserver ses avantages..

C’est pourquoi l’euro est l’enjeu géopolitique principal du projet européen, et dépasse largement le cadre économique car il touche aux équilibres précaires de pouvoir. L’euro est devenu le fétiche de l’idéologie géopolitique du « couple franco-allemand « , notion française inconnue chez les Allemands au « milieu » de l’Europe. L’unité a tout prix du « couple franco-allemand » exclusif  est devenu un obstacle à la marge de manœuvre de la France et des autres pays du Sud depuis l’unification allemande. L’euro a accéléré leur désindustrialisation au profit de exportations allemandes (en synergie économique avec les pays d’Europe centrale), et a favorisé la prise du pouvoir de la finance internationale avec le modèle d’économie ouverte.

Le président français Emmanuel Macron, a soutenu la tentative de « coup d’État constitutionnel » du président italien Sergio Matarella, et a raté une opportunité de se rapprocher du gouvernement italien pour rééquilibrer l’UE vis à vis de l’Allemagne. Il s’est au contraire coulé dans un axe franco-allemand déséquilibré et un système qui n’hésite pas à pratiquer l’ingérence pour préserver son propre pouvoir.

La décision du président italien de mettre d’abord son droit de veto à la formation de la nouvelle coalition, en raison de la présence d’un ministre critique vis à vis de  l’UE et de l’euro, Paolo Savona, au portefeuille de l’Economie et des Finances, est un prolongement de la « doctrine Juncker.  Celui-ci avait déclaré à l’occasion de la crise de l’euro en Grèce qu' »il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités« . Le président italien, qui s’est opposé à la volonté de changement de son peuple,  a défendu en réalité surtout l’intérêt de l’Allemagne d’Angela Merkel et du système UE dont l’administration est un aréopage « technocratique, apatride et irresponsable« , ancré sur un atlantisme idéologique, comme l’avait anticipé de Gaulle. L’Allemagne de Merkel, en opposition avec une proportion croissante des citoyens allemands, ne conçoit l’UE que comme un sous-ensemble de l’espace  mondialisé aux frontières ouvertes, et un ensemble intégré à  l’espace euro-atlantique à la souveraineté relative, en dépit de l’élection de Donald Trump, qu’elle considère, de manière illusoire, comme une nuisance passagère.

La  nouvelle coalition a décidé de résister et de poursuivre les négociations afin d’exercer le pouvoir à l’issue des urnes. Le compromis final est le résultat de concessions réciproques dans  les deux camps opposés.  La nouvelle coalition a retiré  Paolo Savona, au portefeuille de l’Economie et des Finances, pour lui offrir le ministère des affaires européennes, tandis que le président italien a levé son veto à la formation de cette nouvelle coalition. Si la décision du président italien Sergio Matarella de mettre un veto à la coalition, en contradiction avec le choix démocratique des Italiens, avait été maintenue,  de nouvelles élections auraient eu lieu avant 2019. Ces élections auraient probablement entraîné  des conséquences inverses à celles recherchées par les réseaux euro-globalistes au pouvoir. L’obsolescence des paradigmes de l’UE, que les euro-utopistes veulent défendre par tous les moyens, en contradiction avec la volonté des peuples  aurait été plus visible encore. La nomination par le président d’un gouvernement de transition mené par un ancien responsable du FMI, Carlo Cottarelli, n’aurait sans doute  pas obtenu l’assentiment du nouveau parlement. Ces évènements ont poussé le président à un compromis. Toutefois cette crise à rebondissements laissera des traces.

L’UE est en voie de fragmentation et de multipolarisation, et toute tentative d’empêcher une réforme de ses fondements, au moyen d’une fuite en avant fédérale, aggravera la crise dont la « montée aux extrêmes » sera d’autant plus importante qu’elle aura été repoussée dans le temps (selon l’interprétation de Clausewitz par René Girard). Cette volonté d’avancer toujours plus loin vers l’intégration,  va à l’encontre de la souveraineté des nations, seul principe tangible en Europe, et dont la préservation est un principe supérieur. Ces nations doivent en effet faire face au conflit de civilisation qui émerge contre l’islam politique qui se renforce sur leur propre territoire grâce au laxisme de l’idéologue libérale. Face au  monde multipolaire basé sur les équilibres géopolitique précaires et les alliances fluides, les Européens ont besoin d’une alliance flexible qui valorise la richesse de nations, et non pas un intégration qui ne profite qu’a des réseaux transnationaux  marquant l’écart avec les classes moyennes.

Les fondements géopolitiques du projet européen ont reposé à l’origine sur deux enjeux : l’objectif de rétablir un équilibre franco-allemand et s’unir en alliance avec les USA contre l’URSS. Aujourd’hui, le couple franco-allemand cache une asymétrie depuis l’unification allemande et l’élargissement à l’Est. L »ennemi commun a disparu, et il est remplacé par une perception  asymétrique des menaces entre États-membres de l’UE. La situation a donc changé et l’UE ne remplit plus ses fonctions géopolitiques initiales, même si les gouvernements masquent cette réalité par la communication politique. L’UE est affectée d’un tropisme  germano-américain  avec pour centre de gravité l’euro et l’OTAN. Elle doit donc être réformée dans ses fondements, où être marginalisée au profit d’une autre architecture géopolitique plus adaptée au monde multipolaire basé sur les rivalités géopolitiques.

Une confusion est souvent faite de manière volontaire entre le projet européen, l’Union européenne qui n’est qu’une des formes institutionnelles de ce projet (Conseil de l’Europe, OTAN…) et l’Europe, comme entité géographique mais aussi civilisationnelle.

L’UE est aujourd’hui trop étriquée géographiquement et ses paradigmes obsolètes. Sa forme actuelle n’est donc que transitoire et les crises vont s’accumuler et pousser à de nouvelles configurations dans un Europe multipolaire basée sur le retour des nations et du principe d’équilibre.

L’enjeu et donc de réformer le projet européen et rétablissant un équilibre géopolitique, notamment entre la France et l’Allemagne. Cela signifie concevoir le projet à l’échelle continentale de « Lisbonne à Vladivostok ».  pour s’appuyer sur son substrat civilis[ii]ationnel. La solution réside dans un nouveau concert de nations, certes interdépendantes, mais  basé sur un équilibre géopolitique franco-allemand  et mais aussi entre le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest et incluant la Russie. Le modèle  fédéral  européen est une utopie du siècle dernier. L’État-nation est l’invention de l’Europe la plus aboutie, et c’est pourquoi nous assistons au réveil des nations.  Face aux crises, il n’existe pas encore d’alternative crédible.

Pour que la vraie Europe survive, et non pas sa version technocratique et constructiviste en voie de fragmentation géopolitique,  Monnet doit  s’effacer face à de Gaulle !

[i] L’Etat a modelé la nation en France d’où l’intervention forte de l’Etat dans l’économie, qu’on nomme Colbertisme, tandis que l’Etat allemand est circonscrit par le marché depuis la fin de la deuxième guerre mondiale car la puissance  militaire allemande s’est muée en puissance économique. La position géographique de l’Allemagne au milieu de l’Europe depuis la réunification  et l’élargissement de l’UE est avantageuse pour le commerce, et la complémentarité  industrielle avec les pays d’Europe centrale et orientale.