L’impératif continental : oser l’Europe de Lisbonne à Vladivostok

L’impératif continental : oser l’Europe de Lisbonne à Vladivostok

17 novembre 2019 0 Par Pierre-Emmanuel Thomann

Article publié dans la revue Défense nationale.  Revue n° 754 Novembre 2012 – http://www.defnat.com/e-RDN/vue-article.php?carticle=15137

Résumé :

L’analyse de l’instrumentalisation du continent européen dans la stratégie euroatlantique de contention des crises le long des axes méditerranéen et caucasien permet de promouvoir une autre posture stratégique européenne fondée sur la redéfinition d’un partenariat continental eurasien, véritable pôle d’équilibre géostratégique du XXIe siècle.

 

Introduction

Préserver les intérêts de sécurité français et européens nécessite un repositionnement stratégique qui s’inscrit avant tout dans la géographie. La France et l’Union européenne sont situées dans l’angle de deux arcs de tensions le long desquels les choix diplomatiques et stratégiques actuels ont pour conséquence d’aggraver la situation géopolitique. Ils provoquent la méfiance du pays voisin qui compte le plus pour la sécurité européenne mais aussi pour la réalisation d’une Europe politique, la Russie. Surmonter la division du continent européen est pourtant une nécessité pour les Européens afin de faire face aux enjeux de sécurité et de puissance à l’échelle régionale et mondiale.

L’Europe dans l’angle de deux arcs de tensions

Décryptons à grands traits la situation géopolitique actuelle. Si l’on se réfère aux représentations européennes dominantes de sa sécurité, l’Europe se situerait dans l’angle de deux arcs de tensions (carte n°1 page suivante). L ’arc de crise tel qu’il a été identifié dans le dernier Livre blanc français en 2008 couvre un espace qui va de l’Atlantique à l’Asie centrale. Il est caractérisé par des tensions et des déstabilisations imbriquées qui constituent un risque pour la sécurité de la France et de l’Europe. Un autre arc de tensions, issu des problèmes liés à l’effondrement de l’URSS et non résolus depuis, couvre un espace de la mer Baltique à l’Asie centrale en passant par le Caucase et la mer Noire. Il englobe les tensions provoquées par le réinvestissement et le maintien de la Russie dans certains espaces d’intérêt prioritaire où son influence était devenue moindre à l’issue de la guerre froide. Cet arc de tensions n’a pas été désigné comme tel dans les réflexions stratégiques mais il est bel et bien présent dans les esprits et illustre l’inquiétude qui persiste en Europe vis-à vis de cet espace à risques malgré la fin de la guerre froide.

La manœuvre stratégique euro-atlantique

L ’identification et la hiérarchisation des zones de tensions est une étape utile pour établir un diagnostic territorial mais n’est pas exempt du risque de généralisations abusives. Plus périlleuses encore sont les conclusions et les doctrines géopolitiques que l’on en déduit pour se projeter dans les espaces à risques, constituer des alliances, désigner l’adversaire et concentrer les interventions militaires et diplomatiques. Un arc de crise, aussi pratique soit-il en matière de communication, ne doit pas masquer les situations géopolitiques très diverses qui caractérisent une zone géographique. Un autre élément à prendre en compte dans le déploiement des actions diplomatiques et militaires est la perception des États situés dans ces zones à risques. Les contrecoups provoqués par nos propres actions nécessitent des réajustements à défaut d’être anticipés s’ils s’avèrent contreproductifs, selon le principe des actions réciproques identifiées par Clausewitz dans la manœuvre stratégique.

Carte n° 1 – L ’Europe dans l’angle de deux arcs de tensions

 

Examinons cet aspect vis-à-vis d’un pays indispensable pour la sécurité européenne et dont la trajectoire géopolitique déterminera pour une grande part l’avenir de l’Europe comme espace politique, la Fédération de Russie. Quelle est la réaction de la Russie face à l’action des Occidentaux dans le voisinage européen ? Dans l’arc de tensions qui s’étend de l’Atlantique à l’Asie centrale, les actions des États européens, concertées avec les États-Unis provoquent le sentiment d’un prolongement de la stratégie du Grand Moyen-Orient : occidentaliser, démocratiser et pousser au changement de régime les pays le long de l’arc de crise, par des opérations militaires comme en Irak, en Libye et le soutien aux révolutionnaires en Syrie. Ces opérations provoquent la méfiance de la Russie mais aussi des États du continent eurasien qui s’inquiètent de la transposition des projets occidentalo-centrés sur une zone hétérogène. Cette réalité qui préexistait aux bouleversements arabes est de nature à renforcer les déstabilisations sur tout le flanc Sud de la Méditerranée, le Proche et Moyen-Orient, avec des répercussions hautement probables en Europe. La décomposition étatique et la montée de l’islamisme dans certains États sont dues certes à des facteurs endogènes mais sont aussi exacerbées par les imprudences voire les erreurs stratégiques successives commises par les Occidentaux dans cette zone depuis plus d’une décennie. La zone de tension issue de l’effondrement de l’URSS et de la volonté de la Russie de continuer à constituer un pôle géopolitique à la charnière entre Europe et Asie, devrait, selon la vision euro-atlantique, provoquer en retour un refoulement de l’influence de la Russie, ou à défaut, un nouvel endiguement. Si cet arc de tensions est transformé en axe de projection, ce qu’il semble être déjà le cas par la volonté de certains de poursuivre l’extension de l’Otan aux marches de la Russie, il s’insère alors dans une logique d’exclusion. Cette stratégie œuvre à l’édification d’une zone tampon entre l’Europe et la Russie en cherchant à lui soustraire des espaces qui comptent pour son identité et son économie comme l’Ukraine. Ces manœuvres territoriales aboutissent à la constitution de zones d’influences conçues outre-Atlantique et qui fractionnent le continent européen. Elles réduisent à néant le projet d’unification continentale, qui est une option envisageable et souhaitable depuis la fin de la guerre froide. L ’option d’un refoulement de la Russie dans ses terres continentales a bien été choisie, plutôt que son intégration dans le nouveau concert des nations européennes et mondiales selon le principe classique de l’équilibre, doctrine européenne par excellence qui mérite d’être redécouverte. La vision euro-atlantique qui s’impose exclut la vision européenne continentale.

Friction en Europe des stratégies et tensions convergentes, méditerranéennes, moyen-orientales, caucasiennes et centre asiatiques

La stratégie occidentale le long de l’arc de crise Ouest-Est, qui passe au Sud de la Méditerranée et englobe l’Afrique du Nord et le Proche et Moyen-Orient, chevauche l’arc de tensions Nord-Sud, au niveau du bassin caspien, de l’Asie centrale et du Proche et Moyen-Orient, le long duquel la Russie monte la garde. Les tensions sont exacerbées par le soutien des Occidentaux aux révolutions arabes et les contrecoups en retour de la Russie, qui cherche à y maintenir son influence. La zone de collision des deux logiques se situe en Syrie mais touche aussi à la question iranienne. Les Russes cherchent à endiguer les instabilités provenant d’Afrique du Nord et du Proche et Moyen-Orient qui pourraient affecter leur stabilité par continuité territoriale car la Russie est voisine de cette zone au bord du Caucase. Éviter une présence exclusive des Occidentaux dans cet espace d’intérêts privilégiés et préserver son influence en Syrie avec la base de Tartous et ses liens commerciaux est la grande préoccupation des Russes. Ils peuvent compter sur le soutien du gouvernement chinois au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et des pays d’Asie centrale qui se situent dans la zone de chevauchement des deux logiques antagonistes car ils craignent aussi une déstabilisation par effet domino à partir de leur périphérie. Le retrait de l’Otan en Afghanistan renforce les craintes à propos de cette spirale de violence. Or, la cristallisation éventuelle d’alliances rivales de part et d’autre de l’arc de tensions va à l’encontre des intérêts européens.

Le bouclier anti-missile : le risque de la nouvelle fracture continentale

Un autre élément perturbateur intervient, c’est le projet de bouclier antimissile de l’Otan. C’est d’abord un enjeu de souveraineté. Malgré la prise en charge du projet par l’Otan, il reste un projet essentiellement lié aux intérêts de sécurité des ÉtatsUnis et à leur technologie. L ’adage du philosophe et politologue Carl Schmitt, « Est souverain celui qui décide de l’état d’exception » est particulièrement bien indiqué dans ce cas. La structure décisionnelle échappera aux Européens malgré tous les artifices d’une chaîne de commandement Otan. Ensuite, la menace balistique de l’Iran n’est pas aujourd’hui avérée et une agression par ce pays reste hypothétique face aux moyens de rétorsion des puissances européennes et américaines. Cette réalité provoque des soupçons en Russie mais aussi en Europe sur les vrais objectifs du bouclier anti-missile.

La Russie considère que le déploiement du bouclier anti-missile, s’il ne lui offre ni de garanties suffisantes, ni de place adéquate dans le dispositif, a pour objectif masqué son encerclement. Que l’on interprète cette perception comme exagérée ou erronée ne change rien au fait que l’on doit en tenir compte. Les perceptions dans les rapports de force internationaux se confondent avec la réalité. La carte n° 2 illustre la perception d’encerclement de la Russie et de la Chine. Le positionnement anticipé des infrastructures du bouclier anti-missile de l’Otan et des États-Unis, puisque les deux sont liés, aux États-Unis et en Alaska, en Europe de l’Ouest, au Proche et Moyen-Orient, au Sud de l’Asie, et enfin les unités mobiles sur les navires équipés du système de combat AEGIS, corrélées avec l’emplacement des bases de l’Otan et des États-Unis aboutissent de facto à un encerclement du continent eurasien.

L ’utilisation du territoire européen pour l’installation des infrastructures comme les radars, les missiles anti-missiles et les bases navales du soutien risque de provoquer une nouvelle fracture continentale par le ciblage des éléments du bouclier par des missiles prépositionnés et des mesures de rétorsion de la part de la Russie visà-vis des pays de l’isthme européen. Le différend entre les États-Unis et la Russie sur le déploiement du bouclier anti-missile fait potentiellement du territoire européen, un enjeu stratégique à l’image de l’Allemagne pendant la guerre froide et entrave par conséquent le rapprochement continental.

Carte n° 2 – Le bouclier anti-missile et la perception d’encerclement de la Chine et de la Russie

 

L ’hértage historique des différends entre Otan et Russie, à propos de l’installation des bases militaires dans les anciens pays du pacte de Varsovie après la guerre froide, les opérations de l’Otan en ex-Yougoslavie, la tentative d’élargissement de l’Otan à l’Ukraine et la Géorgie, et plus récemment le changement de régime en Libye sous commandement de l’Otan accumulent les malentendus avec la Russie.

Le rapprochement géopolitique avec la Russie

Une nouvelle politique continentale pour la France et l’Europe visant à un continuum stratégique de Lisbonne à Vladivostok qui englobe et prolonge l’Europe de l’Atlantique à l’Oural chère au général de Gaulle rencontrerait les attentes de la Russie. La carte n° 3 – projection azimutale centrée sur l’Allemagne, 9 500 km – illustre l’option continentale. Elle met en valeur la position de charnière de l’Europe entre les masses continentales localisées de part et d’autre. Pour les Européens, exploiter les potentialités que leur offre la géographie suggère un positionnement comme facteur d’équilibre dans le monde à partir de sa position charnière qui ne peut pas être valorisée dans un enfermement stratégique, en particulier vis-à-vis de l’Eurasie. La nécessité pour les Européens de mettre à profit leur hinterland eurasien et méditerranéen selon leur propre logique est aujourd’hui bridée par la vision euro-atlantique.

Casser la logique de l’enfermement européen dans un ensemble euro-atlantique exclusif, et revenir aux politiques d’équilibres

Une revalorisation des logiques d’équilibre ancrées dans l’archéologie stratégique européenne serait adaptée à la configuration géopolitique d’un monde de plus en plus multi-centré. La doctrine de l’équilibre a été en partie oubliée au profit d’une doctrine d’élargissement de la démocratie, mettant l’accent sur une discrimination entre pays démocratiques et dictatures. Elle se révèle inopérante et dangereuse pour les intérêts de sécurité européens par l’inévitable règle « deux poids, deux mesures » qui s’impose face à la réalité des dépendances et vulnérabilités pétrolières ainsi qu’à la défiance grandissante à la domination occidentale. Les expériences constructivistes en Irak, en Afghanistan, et dans les Balkans incitent à la prudence et la redécouverte de la Realpolitik comme la politique du possible et non pas celle de l’idéologie. Examinons les options géopolitiques à l’échelle de l’Europe continentale et de ses marges, et à l’échelle eurasienne et mondiale. Dans la perspective d’une relation difficile entre les États européens et les États au sud de la Méditerranée aspirés dans une période durable de troubles, une double manœuvre stratégique comportant un rapprochement substantiel avec la Russie et les pays issus de l’ex-URSS (carte n° 3) ainsi qu’une action visant à conserver et reconstruire des alliances profitables au sud de la Méditerranée seraient les bienvenues.

Les intérêts français et européens sont les suivants : ne pas avoir à faire face à deux fronts d’États hostiles à l’Est et au Sud, situation qui serait catastrophique pour la sécurité européenne et limiterait sa marge de manœuvre ; dépasser les fractures issues de la guerre froide qui entravent la marche vers l’unité continentale, étape préalable nécessaire à une Europe politique qui pèse dans les équilibres mondiaux ; faire face de manière commune aux déstabilisations qui se propagent dans l’arc de tensions de l’Atlantique à l’Asie centrale et sur le flanc oriental de l’Union européenne. La sécurité européenne et celle de la Russie, des pays du Caucase, et l’Asie centrale sont affectées de manière semblable. Car la déstabilisation de l’Asie centrale, talon d’Achille de la stabilité du continent eurasien, à commencer par la question afghane et les débordements issus des révolutions dans les pays arabes, est de nature à créer des tensions graves avec la Russie mais aussi avec la Chine.

Carte n° 3 – L ’axe continental eurasien : brise l’enfermement géopolitique européen

Les objectifs immédiats de coopération renforcée seraient les suivants : peser sur les négociations du bouclier anti-missile afin de mieux prendre en compte les intérêts de la Russie et l’associer aux travaux comme un partenaire à égalité de droits ; établir un dialogue stratégique soutenu au niveau bilatéral et européen avec la Russie, sans faire des consultations multilatérales à l’Otan un préalable implicite.

Les objectifs à plus long terme incluraient : une intensification du dialogue sur un nouveau système de sécurité européenne tel que suggéré au lendemain de la guerre Russie-Géorgie en 2008, et qui dépasse le cadre de l’Otan, occasion favorable qui fut manquée à cette occasion ; l’élaboration d’un espace politique incluant la dimension sécuritaire, commerciale, énergétique et culturelle de Lisbonne à Vladivostok avec une institutionnalisation propre à cette grande Europe qui aille audelà des accords entre Union européenne et Fédération de Russie.

La France et l’Europe se situent à la croisée de l’espace euro-atlantique, euroméditerranéen/africain et eurasien. La valorisation de l’axe eurasien est de nature à rééquilibrer les solidarités euro-atlantiques et euro-méditerranéennes. Ce repositionnement stratégique n’est pas synonyme d’un abandon du flanc Sud de l’Europe mais d’une approche complémentaire visant au soutien des pays menacés face à la spirale des déstabilisations politiques et sociales. Une politique d’alliance renouvelée, évitant les expérimentations de court terme et des alliances à risques qui peuvent avoir des conséquences graves sur la stabilité de l’Eurasie, serait préférable à une politique aventuriste qui renforce les forces islamistes qui s’infiltrent déjà sur le territoire européen.

Une alliance entre l’Union européenne et la Russie, facteur de modération de la rivalité sino-américaine

Face au scénario d’une dégradation des relations sino-américaines évoluant vers une stratégie d’endiguement de la Chine par les États-Unis, les Européens n’auront pas d’autre choix que de se positionner en fonction de leurs intérêts propres, s’ils ne veulent pas devenir les supplétifs d’une manœuvre élaborée ailleurs et servant d’autres intérêts (cartes n° 4 et 5).

L ’alignement des Européens sur les options géopolitiques des États-Unis pour obtenir une place dans la direction des affaires du monde est une option implicite souvent envisagée par certains pays. Mais selon ce choix géopolitique, ils risquent de rester alors le partenaire mineur d’une grande alliance occidentale. Ils auront à faire face de manière simultanée aux défis méditerranéens avec une assurance moindre du soutien américain aux intérêts européens et à l’éloignement probable de la Russie qui refusera de s’aligner sur une logique de tension avec la Chine. Cela ne correspond ni à ses intérêts de sécurité, ni à ses intérêts énergétiques. La position géographique de la Russie lui permet de jouer le balancier entre Occident et Orient. Chercher à occidentaliser la Russie en tablant sur une méfiance russochinoise à propos de la Sibérie est très incertain.

 

Cartes n° 4 et 5 – Les options géopolitiques

Une prise de distance des Européens face à la tension sino-américaine, dont le théâtre principal restera éloigné des zones les plus sensibles et prioritaires pour les intérêts européens serait indiquée au moyen d’une alliance modératrice avec la Russie. Celle-ci a intérêt à la stabilité des ses flancs occidentaux, orientaux et méridionaux. Un rapprochement géopolitique des deux Europes sur la base d’une unification de la civilisation européenne et des intérêts croisés entre échanges énergétiques et technologiques est l’étape préalable à la constitution d’un espace politique de taille mondiale. Cette alliance continentale est aussi nécessaire pour rééquilibrer le poids écrasant pris par les États qui précipitent une mondialisation caractérisée par un développement anarchique des réseaux financiers, commerciaux, culturels et informationnels qui déstructurent les solidarités continentales par l’insuffisance des filtres aux frontières nationales et européennes. Les risques et les menaces pour les sociétés européennes sont aujourd’hui intérieurs et financiers ; ils résultent d’une communautarisation des sociétés et d’une décomposition du tissu social par la perte de contrôle des flux financiers. Une approche commune sur ces thématiques serait bienvenue. Retrouver un rôle de puissance à parité avec les États-Unis pour la Russie passe par un rapprochement continental. Cet objectif est complémentaire de la revendication historique des Français de négocier un meilleur équilibre dans la relation avec les États-Unis. Cette évolution serait de nature à refonder le partenariat transatlantique qui reste d’actualité mais qui périclite par l’inconsistance, l’indécision et la faiblesse européenne. Cette option a l’avantage de positionner la France et les États qui partageraient cette approche comme partenaire de la stratégie multipolaire de la Russie, qui risquerait autrement de la poursuivre uniquement en partenariat avec la Chine. Un tel rapprochement avec la Russie permettrait aussi d’éviter la formation éventuelle de nouvelles fractures franco-allemandes, avec d’un côté une France excessivement atlantiste et de l’autre une Allemagne qui valorise sa position centrale en Europe et son hinterland oriental de manière solitaire par manque d’intérêt de la France pour cette zone et d’aller au-delà des intérêts commerciaux et énergétiques. Un rapprochement franco-russe serait de nature à rééquilibrer la relation franco-allemande qui reste le cœur de l’Union européenne et d’en préserver l’équilibre. Le renforcement du projet européen par l’audace géopolitique aiderait à dissiper les « illusions fonctionnaliste et économiciste ».

La France serait la mieux placée pour oser proposer une nouvelle stratégie géopolitique afin d’effacer définitivement les héritages de la guerre froide, de concert avec l’Allemagne, et convaincre les Européens. Poursuivre l’unification européenne selon l’unique logique euro-atlantique tend à exclure la Russie et à faire de l’Europe un espace-objet sans ossature politique dont le destin est dicté par d’autres puissances.