Pourquoi la Russie a déjà gagné la guerre

Pourquoi la Russie a déjà gagné la guerre

10 novembre 2023 0 Par Pierre-Emmanuel Thomann

Résumé

La Russie a déjà gagné la guerre, bien au delà de l’échec de la contre-offensive ukrainienne, car elle a définitivement fait évoluer les alliances  mondiales grâce à son intervention militaire en Ukraine, vers un monde plus multicentré. C’est une véritable bascule géopolitique de nature systémique L’émergence d’une mondialisation alternative avec la montée en puissance des BRICS et l’Organisation de Shanghai en est la première conséquence. Cette réorganisation de l’ordre spatial et géopolitique constitue le vrai centre de gravité géopolitique du conflit. L’UE et des Etats-Unis sont isolés dans leur guerre hybride contre la Russie car le reste du monde  refuse le monde unipolaire centré sur l’Occident

Pourquoi la Russie a déjà gagné la guerre.

Suite au refus des Etats-Unis, mais aussi des dirigeants européens, notamment Paris et Berlin, incapables d’adopter une posture indépendante, de négocier une nouvelle architecture européenne de sécurité exigée par Moscou et visant à stopper l’élargissement de l’OTAN, la Russie a décidé de lancer une opération militaire spéciale.

L’opération militaire spéciale de la Russie déclenchée en février 2022 en Ukraine fait définitivement évoluer le monde vers une configuration géopolitique multicentrique et multipolaire, sans possibilité de retour à la situation antérieure au conflit. Une stratégie géopolitique, c’est l’anticipation sur l’espace temps de ses ennemis. Avec son intervention en Ukraine, la Russie cherche à se positionner de manière plus favorable dans la nouvelle configuration géopolitique mondiale, qui se transforme en lutte de répartition des espaces géopolitiques.

L’opération militaire russe visant à défendre le monde russe a pour conséquence une modification de la configuration géopolitique mondiale selon le principe d’Archimède en provoquant des changements dans le système d’alliances au niveau mondial. A l’échelle mondiale la Russie a réalisé le gain géopolitique le plus important avec l’accélération de l’émergence du monde multipolaire remettant définitivement en cause la vision unipolaire de Washington et des ses alliés proche ( Voir carte : Emergence d’une nouvelle configuration géopolitique mondiale – alternative à la mondialisation occidentale dominée par les Etats-Unis ).

A l’échelle eurasiatique, l’OTAN ne pourra probablement plus mener une politique d’expansion dans l’étranger proche russe (pays de l’ex-URSS), l’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine étant un casus belli, comme l’a démontré l’intervention russe. Les interventions militaires russes en Ukraine (2014 et 2022)  donnent en effet un coup d’arrêt à l’expansion euro-atlantique dans le monde russe. Du point de vue géopolitique, cela signifie  un nouveau recul géopolitique pour les Etats-Unis et l’OTAN qui perdent un Etat-front qu’ils ont armé et entrainé, sans adhésion formelle à l’OTAN, avant-poste dans le monde russe pour grignoter la sphère d’influence de la Russie. Suite à la mutation de l’ordre spatial, un nouvel équilibre des puissances émerge dans le monde avec l’accélération de la fragmentation  de l’ordre spatial, la réémergence de la Russie et la montée en puissance de la Chine. 

Moscou, à partir d’une retraite géopolitique et géostratégique et un rétrécissement territorial après la chute de l’URSS, a repris une posture plus offensive pour arrêter le processus d’encerclement de l’OTAN. Il s’agit pour  la Russie de passer de l’ordre spatial unipolaire dans lequel elle avait perdu son rang de puissance mondiale, à un ordre spatial multipolaire, en contestant la stature des Etats-Unis de puissance globale et européenne qui pousse l’OTAN aux frontières de la Russie et donc menacer sa sécurité.  En miroir de la doctrine Monroe des Etats-Unis qui ont expulsé les Européens du continent Américain, la Russie cherche à élaborer sa propre zone d’intérêts prioritaires et exclusifs.  

Si l’on fait un bilan provisoire de l’opération militaire spéciale russe,  on constate que la Russie a déjà atteint des objectifs géostratégiques substantiels à l’échelle régionale

La réintégration de la Crimée à la  Russie en 2014  avait pour objectif  principal d’éviter, dans l’optique d’un rapprochement accéléré de l’Ukraine avec l’OTAN, l’utilisation de ce territoire stratégique pour l’ouverture de bases navales et l’installation d’éléments du bouclier anti-missile de l’OTAN et des États-Unis aux frontières de la Russie. L’opération militaire russe en 2022 est aussi destinée à consolider cette zone d’une grande valeur géostratégique. 

La Mer d’Azov qui devient un lac russe et la continuité territoriale  du Donbass vers les régions de Zaporijjé et Kherson permet de sécuriser la Crimée, qui est le territoire le plus stratégique  pour la sécurité de la Russie sur son flanc sud[1]. Rappelons qu’à l’échelle mondiale, la Mer Noire est la voie d’accès stratégique pour la Russie à la Méditerranée, et donc les océans  atlantique et indien. La Crimée et le port militaire de Sébastopol facilitent l’accès de la flotte russe vers les détroits  du Bosphore et Dardanelles, et au delà, vers la Méditerranée avec le port de Tartous en Syrie, vers l’Atlantique et vers la mer Rouge par le canal de Suez et l’Océan Indien et Pacifique. Cet enjeu géopolitique était déjà primordial au XIXème lors de la guerre de Crimée (1853-1856) lorsque les Britanniques et les Français, alliés à l’Empire ottoman, ont cherché à bloquer la poussée russe vers les mers chaudes. De plus la Russie, en libérant le territoire de la Novorussia, elle retrouve une portion de son territoire historique  qui est resté très présent dans  les représentations géopolitiques russes issues de la géohistoire[2]. (voir carte : intervention de la Russie en Ukraine)

Ce gain territorial permet à la Russie d’endiguer l’OTAN mais aussi la Turquie, membre OTAN, qui joue un rôle ambigu en soutenant l’Ukraine avec la livraison de drones, et n’a jamais reconnu le rattachement de la Crimée  à la Russie, mais cherche à se positionne aussi en médiatrice pour les négociations entre Moscou et Kiev.

A l’échelle mondiale, l’appartenance de la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU empêche désormais toute interprétation unilatérale du droit international par l’Occident collectif.

En outre, les sanctions économiques prises par les États membres de l’UE et de l’OTAN ne sont pas suivies par d’autres États d’Eurasie, d’Amérique du Sud et d’Afrique, ce qui remet en question le projet unipolaire de l’Occident sous la direction des États-Unis. L’Union européenne s’aligne de plus en plus sur les priorités géopolitiques de l’OTAN et des États-Unis, avec une marge de manœuvre réduite. 

En effet on constate le refus de la plupart des Etats en Eurasie, en Afrique et en Amérique latine, de s’aligner sur la guerre économique de l’Occident collectif contre la Russie.  Il s’en suit aussi un effondrement des institutions multilatérales incapables d’appliquer le droit international, car il fait l’objet d’interprétation contradictoires et unilatérales  Pour résumer,  on est passé depuis 1991, la fin de l’URSS  d’une configuration bipolaire à une configuration unipolaire, et enfin multipolaire aujourd’hui.

Dans ce contexte, les mutations du système multilatéral issu du nouvel ordre spatial émergent accéléré par la crise en Ukraine, reflètent aussi la nouvelle multipolarité. On a d’un côté les désaccords entre Etats à l’ONU, la marginalisation de l’OSCE, l’expulsion de la Russie du Conseil de l’Europe, syndrome de l’affaiblissement du système multilatéral issu de la deuxième guerre mondiale et la fin de la guerre froide,  mais on observe par contre la montée en puissance (Alimov r. 2022) de l’Organisation de Shanghaï[3] et des BRICS[4].

Le rapprochement bilatéral entre la Russie et la Chine qui constituent le coeur de l’OCS, est logique selon l’angle géopolitique. La Russie va poursuivre son projet de Grande Eurasie [5]  (Glaser (Kukartseva) M, Thomann P.E, 2021) et son pivot vers l’Asie va s’accélérer. La Chine en particulier ne peut pas laisser la Russie perdre ce conflit, car si Moscou venait à s’effondrer et se rapprocher ensuite de l’Occident collectif, la Chine risquerait l’encerclement en Eurasie.

Hormis la Russie, les Etats membres de ces deux organisations, OCS et BRICS, ont officiellement une position non alignée et refusent non seulement d’appliquer des sanctions  mais augmentent leurs échanges commerciaux et énergétiques avec la Russie, notamment l’Inde, qui joue un rôle important d’Etat d’équilibre au sein de l’OCS et les BRICS.

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, l’OCS non seulement poursuit sa promotion d’un monde multipolaire (OCS, 2023)[6], mais attire de plus en plus d’Etats[7]. L’Iran est devenue membre de l’OSC en 2021 tandis la Biélorussie va commencer la procédure d’adhésion. Le statut de partenaires de dialogue à été accordé à Bahrein, aux Maldives, au Kuwait, aux Emirats Arabes Unis et à Mynamar, tandis que l’Egypte, l’Arabie saoudite et le Qatar ont initié la procédure pour l’obtenir.   

De 2022 à 2023, 23 pays ont officiellement soumis leur demande pour rejoindre les BRICS : l’Algérie, l’Argenine, le Bahrein, le Bangladesh, la Biélorussie, la Bolivie, Cuba,l’Egypte,l’Ethiopie, le Honduras, l’Indonésie, l’Iran, le Kazakhstan, le Koweit, le Nigéria, la Palestine, l’ Arabie saoudite, la Serbie, le Sénégal, la Thaïlande, les Emirats Arabes Unis, le Venezuela et le Viêt Nam.20 et démontre aussi l’attractivité géopolitique croissante de cette organisation (Valdaï, 2022)[8]. L’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Egypte les Emiratts Arabes Unis , l’Ethiopie et l’Iran ont obtenu leur adhésion qui sera effective en 2024.

Le concept de BRICS + a de son côté l’ambition de développer les liens économiques avec le Global South (Arapova E  Lissovolik Y, 2022)[9] Les Etats membres travaillent à la création d’une banque d’investissement et une monnaie de réserve alternative au dollar.

Dans le contexte d’une importance croissante de l’ OCS, un rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran sous l’égide de la Chine et un rapprochement entre la Turquie et la Syrie sous l’égide de la Russie a été initié. On en vient à poser l’hypothèse suivante : L’OCS, n’est pas une anti-OTAN, même si elle se préoccupe aussi de sécurité. L’OCS offre en réalité une alternative à l’ONU et pourrait créer la confiance entre Etats pour le règlement des différents et offrir une mondialisation économique alternative à la mondialisation occidentale. L’idée est de créer à l’avenir un partenariat autour de la Grande Eurasie avec la participation des Etats membres de l’OCS, l’Union eurasiatique, l’ASEAN (OCS, 2023)[10],  tout en restant ouvert à d’autres associations[11]

L’UE et la triade géopolitique Etats-Unis-Russie-Chine

Dans ce contexte d’émergence d’une nouvelle configuration géopolitique, quelles sont les options et les perspectives pour les États membres de l’UE,

Cette bataille décisive qui se déroule en Ukraine a aussi été provoqué par les Etats-Unis pour torpiller toute entente continentale potentielle sur l’axe Paris-Berlin-Moscou, car une alliance entre l’Allemagne, la France et la Russie serait en mesure de contrebalancer les Etats-Unis et son fidèle second le Royaume-Uni.  La vision de « l’Euramérique de Vancouver à Kiev » s’impose actuellement face à « l’Europe de Brest à Vladivostok» qui avait été anticipée par le général de Gaulle (l’Europe de l’Atlantique à l’Oural).  

Les Etats-Unis peuvent difficilement mener un conflit sur deux fronts contre la Russie et la Chine. Ils ont donc intérêt à prolonger le conflit, après l’avoir largement provoqué pour faire de la Russie, l’ennemi des Etats européens de l’OTAN et de l’ UE, afin de ne pas être en surextension dans leur manoeuvre d’encerclement de l’Eurasie.  Tout semble indique que la Russie est considérée  par Washington (même si les avis divergent ) comme la menace la plus grave car Moscou défie l’hégémonie américaine en Europe. Il s’agit de la dernière zone d’influence encore exclusive de Washington, tandis que la Russie propose un modèle civilisationnel alternatif aux Européens de l’Ouest en phase avec le mode multipolaire. La puissance Chinoise est peut être exagérée, car elle ne peut exporter sa civilisation au delà de l’Asie, sa démographie va entrer en récession et elle n’a pas encore un arsenal militaire équivalent à la Russie, ni en qualité, ni en quantité (notamment les nouvelles armes hypersoniques.

En conclusion, la configuration mondiale est la suivante : L’axe Washington-Londres-Varsovie-Kiev cherche à  maintenir un ordre spatial occidentaliste  en rivalité avec Moscou- Pékin, (le projet de Grande Eurasie de la Russie se poursuit en synergie avec le projet de Pékin reposant sur le routes de la Soie[13] )  tandis que l’axe Paris Berlin existe toujours mais se fragmente et Berlin lorgne vers Washington et non pas Paris.

La réorientation géoéconomique de la Russie est déjà un succès et c’est l’UE qui est la grande perdante de ces transformations.

Le projet européen, fait face à deux grand choix: l’UE  peut se cantonner  à jouer le rôle de Rimland dans la stratégie des Etats-Unis et se réarmer contre la Russie. Cela convient à certains Etats membres de l’OTAN, mais cela aboutira à une course aux armements et une fracture européenne durable, avec l’émergence de l’axe Washington-Londres-Bruxelles-Varsovie-Kiev, une perte d’influence de l’axe franco-allemand et le renforcement de la rivalité géopolitique franco-allemande[14].

Une alternative est un rapprochement continental avec la Russie, et envisager une nouvelle architecture européenne et eurasienne de sécurité.  La Russie restera un voisin de l’UE et on ne peut pas changer la géographie. La Russie et l’Europe de l’Ouest sont en réalité inséparables, du point de vue géographique et civilisationnel. Le projet de Grande Eurasie de la Russie n’a jamais exclu les Européens[15], et le discours de Vladimir Poutine a souligné que les Russes sont ouverts à la coopération avec l’Occident traditionnel[16]. Si les Européens tentent de renouer les liens avec la Russie dans la période post-conflit, leurs postures respectives, tant celle de Paris, Berlin que Moscou sera renforcée. 

Pour s’adapter à la nouvelle configuration géopolitique émergente, une reformulation des paradigmes, des doctrines mais aussi des finalités du projet européen est nécessaire dans un monde multicentré au moyen de l’analyse et de la stratégie géopolitique pour surmonter les impasses actuelles du projet européen, et de le réformer afin de redonner une marge de manoeuvre à la France et à ses alliés. C’est le rôle des Etats-Nations, dont la France a offrir cette perspective, car l’UE est obsolète dans la configuration actuelle.

Le projet  européen qui subit une crise des fondements devra en effet se réformer pour  définir et promouvoir son propre ordre spatial et géopolitique, car dans la situation actuelle, il est dissous dans l’ordre spatial du grand Occident dominé par Washington.

Le scénario idéal pour les Européens adeptes d’une indépendance stratégique  est la négociation d’une nouvelle architecture européenne de sécurité, mais cela suppose de revenir au principes d’équilibre  classique et de s’entendre sur des traités temporaires et précaires dans la tradition de la  diplomatie européenne, mais capables de d’endiguer les conflits, 


[1] La Russie a élargit sa liberté d’action pour sa marine, dont les navires ne dépassant pas un certain tonnage peuvent  naviguer entre mer d’Azov, Mer caspienne (canal Don-Volga)  et Méditerranée, avec la base de Tartous en Syrie ce qui a pour effet d’élargir la capacité de manœuvre géostratégique de la Russie avec ses prolongements en mer Noire et mer Méditerranée. .Les navires, équipés de  missiles Kalibr qui pourront alors, tout en restant dans les eaux territoriales, frapper jusqu’à 2 500 km (,https://jamestown.org/program/russian-caspian-flotillas-capacity-to-project-force-threatens-littoral-states-and-ukraine) La Russie, puissance continentale, renforce ainsi sa puissance navale au niveau régional[1] (.Pierre Rialland , pour décrire cette nouvelle doctrine ruse, a développé le concept de  « puissance navale continentale ».  https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2016-5-page-35.htm)

 La sécurité de la Russe sera consolidée avec une stratégie de déni d’accès et sa projection de puissance décuplée  sur cette zone pivot à l’intersection de la Russie méridionale, l’Europe orientale, les Balkans, le Caucase, le Proche-Orient  et l’Asie centrale. 

[2]  Address by the President of the Russian Federation,February 21, 2022 ,The Kremlin, Moscow,  http://en.kremlin.ru/events/president/news/67828

[3] Alimov R (2022), SCO Facing a New Challenge, 11.04.2022

[4]  Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud , http://infobrics.org/

https://valdaiclub.com/a/highlights/sco-facing-a-new-challenge/?sphrase_id=1483472

[5] Glaser (Kukartseva) M, Thomann P.E, (2021)

The concept of “Greater Eurasia”: The Russian “turn to the East” and its consequences for the European Union from the geopolitical angle of analysis,  Journal of Eurasian Studies,  31.07.2021.

URL : https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/18793665211034183 

[6] The Samarkand Declaration of the Heads of State Council of the Shanghai Cooperation Organisation, 16 September 2023, Samarkand, Uzbekistan, http://eng.sectsco.org/documents/

[7]  Les Etats-membres sont  : China, Russie, Ouzbekistan, Kyrgyzstan, Kazakhstan, Tajikistan, Inde, Pakistan les observateurs Afghanistan, Belarus, Iran, and Mongolie and six  Dialogue Partners, Armenia, Azerbaijan, Cambodia, Nepal, Sri Lanka and Turkey,

[8] Valdai (2022),The Valdai Club and the CITIC Foundation to Discuss the Expansion of the BRICS and SCO, 29/09/2022

https://valdaiclub.com/events/announcements/the-valdai-club-and-the-citic-foundation-to-discuss-the-expansion-of-the-brics-and-sco/?sphrase_id=1483472

[9] Arapova E  Lissovolik, Y, (2022)

№118 BRICS+: The Global South Responds To New Challenges (in the Context of China’s BRICS Chairmanship) 12.07.2022,

https://valdaiclub.com/a/valdai-papers/valday-paper-118/

[10]  ASEAN (Association of Southeast Asian Nations) is an intergovernmental organization of ten Southeast Asian countries: Brunei, Cambodia, Indonesia, Laos, Malaysia, Myanmar, the Philippines, Singapore, Thailand, and Vietnam.

[11] OCS, 2023,

 The Samarkand Declaration of the Heads of State Council of the Shanghai Cooperation Organisation, 16 September 2023, Samarkand, Uzbekistan, http://eng.sectsco.org/documents/

[12]

[13] The Republic of Kazakhstan, the Kyrgyz Republic, the Islamic Republic of Pakistan, the Russian Federation, the Republic of Tajikistan and the Republic of Uzbekistan, reaffirming their support for China’s Belt and Road initiative (BRI), note the ongoing work to jointly implement this project, including efforts to align the progress of the Eurasian Economic Union and the BRI

[14] https://cf2r.org/tribune/le-conflit-ukraine-russie-et-la-rivalite-geopolitique-franco-allemande/

[15] Glaser (Kukartseva) M, Thomann P.E, The concept of “Greater Eurasia”: The Russian “turn to the East” and its consequences for the European Union from the geopolitical angle of analysis,  Journal of Eurasian Studies,  31.07.2021.

URL : https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/18793665211034183 

[16] Vladimir Putin Meets with Members of the Valdai Discussion Club. Transcript of the Plenary Session of the 19th Annual Meeting, 27.10.2022

https://valdaiclub.com/events/posts/articles/vladimir-putin-meets-with-members-of-the-valdai-club/