La fuite en avant du projet européen vers l’Est : les dangers du  partenariat oriental de l’UE et du partenariat pour la paix de l’OTAN

La fuite en avant du projet européen vers l’Est : les dangers du partenariat oriental de l’UE et du partenariat pour la paix de l’OTAN

Le Partenariat oriental (EaP) a été lancé en 2009 pour favoriser l’association politique et l’intégration économique entre l’Union européenne (UE) et les six pays partenaires d’Europe orientale et du Caucase : l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la République de Moldavie et l’Ukraine. Ces pays font aussi partie du partenariat pour la paix de l’OTAN et l’UE et l’OTAN travaillent en synergie pour repousser toujours plus loin les frontières de  l’espace euro-atlantique.

L’Union européenne risque pourtant la sur-extension en pratiquant la fuite en avant dans son voisinage oriental, mais sans les moyens  lui permettant de peser réellement sur le cours des crises.

Il faut se rappeler les origines géopolitiques du partenariat oriental. En 2009, les États qui ont  poussé à la création de ce partenariat oriental, la Pologne et la Suède avaient deux objectifs :

-d’une part ils cherchaient à réorienter l’UE vers le versant oriental, afin de contrer le projet d’Union méditerranéenne qui avait été initié par la France dès 2008

-d’autre part, il s’agissait d’établir une zone tampon vis à vis de la Russie, et préparer les pays du partenariat oriental pour un rapprochement avec  l’UE et l’OTAN.

L’objectif géopolitique implicite, hier comme aujourd’hui, est donc de préparer les pays du partenariat oriental à une nouvelle vague d’élargissement de l’UE et l’OTAN, même si ce n’est pas présenté ainsi de manière explicite. Cet objectif est masqué par les ambiguïtés de l’UE, mais reçoit un soutien explicite de la Pologne, des pays baltes, mais aussi des pays du partenariat oriental, ainsi qu’un appui politique de l’administration américaine aux élargissements de l’UE. Cela montre que cette option reste sur la table pour le plus long terme, et va revenir à l’agenda européen dans un moment plus propice afin de passer outre les réticence des États membres comme la France pour l’instant opposés à ce scénario.                 

En Ukraine, comme en Biélorussie, Moldavie, Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie, en s’engageant toujours plus au delà de ses frontières, dans les pays de l’ex-URSS, l’Union européenne prend le risque de se trouver impliquée dans  les discontinuités géopolitiques issues des frontières géo-historiques qui jalonnent le continent eurasien : elle affaiblit la cohérence et l’identité du projet européen et augmente les risques de fractures internes en raison des clivages que cela induit au sein de l’Union européenne, elle-même en crise.

La poursuite du déplacement du centre de gravité géopolitique de l’UE vers l’Est va relancer la rivalité géopolitique franco-allemande sur les priorités géopolitiques de l’UE qui  persiste depuis  les élargissements successifs de l’UE  promus par l’Allemagne après sa réunification.   

Le choix pour l’Union européenne de se projeter sans limites vers l’extérieur, afin de faire progresser sans cesse son idéologie normative et occidentaliser sa proximité géographique, sans d’abord se réformer de manière réaliste et consolider un projet européen aujourd’hui en crise, est une fuite en avant qui  ne permettra pas de résoudre la crise des fondements de l’Union européenne.

Il est illusoire de croire que les conflits gelés en Moldavie (Transnitrie) en Géorgie (Abkhazie et Ossétie du Sud), en Azerbaïdjan (enclave arménienne du Haut Karabagh) mais aussi le conflit dans le Donbass en Ukraine, puissent être résolus au cas par cas, notamment par le biais de la coopération au sein du partenariat oriental, encore moins avec l’OTAN.

C’est un accord continental entre  une UE réformée et la Russie qui pourrait déboucher sur une voie plus favorable à la résolution des conflits locaux et régionaux, notamment avec la négociation à terme d’une nouvelle architecture européenne de sécurité.  Pour la stabilité de l’Europe, c’est un statut de neutralité qui serait plus approprié pour  les pays du partenariat oriental. Le secrétaire général de l’OTAN  Jens Stoltenberg a précisément exprimé en juillet 2019 son respect pour la neutralité de la Moldavie. Il serait avisé de faire de même pour l’Ukraine en particulier.  

Par réalisme géopolitique, l’Union européenne devrait aussi se concentrer sur son flanc sud où se trouve les menaces principales à sa sécurité, l’Islam radical et la crise migratoire, qui mettent aussi en danger sa cohésion interne. Les priorités géopolitiques devient être clairement établies face devant les défis mondiaux.

Le partenariat oriental pourrait aussi être reformulé de manière à dissiper les méfiances, non seulement des partenaires extérieurs, mais aussi des États membres de l’UE, en statuant clairement sur la fixation des frontières de l’UE, afin d’éviter toute ambiguïté sur l’élargissement et faire de même pour l’OTAN.